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L’enlèvement de Télémaque

 
L’enlèvement de Télémaque

L’aurore aux doigts de rose apparut, chauffant de ses rayons le visage endormi du divin Ulysse, allongé aux côtés de la belle Pénélope dans le lit qu’il avait creusé dans le creux d’un olivier millénaire. L’homme aux mille tours se réveilla et, laissant la douce Pénélope aux bras de Morphée, il se leva pour aller embrasser son cher fils, l’intrépide Télémaque. Il parcourut les salles vides de son palais aux mille couleurs et arriva devant la lourde porte en chêne de la chambre de son fils. Il approcha lentement sa main de la poignée, son cœur vaillant rempli soudain d’un lourd pressentiment. L’épaisse porte grinça sur ses gonds et s’ouvrit dans une plainte lugubre.

Le divin Ulysse entra dans la chambre au centre de laquelle se trouvait le lit de chêne de son cher et tendre Télémaque. Il s’approcha du lit pour poser sur sa joue rose un tendre baiser. Mais après avoir écarté les riches tentures tissées dans le coton le plus doux et ourlées d’or qui ornaient la couche de son enfant, son cœur s’arrêta de battre un instant quand il s’aperçut que son fils, le courageux Télémaque, chéri des dieux, n’était plus là. Le maître de la belle Ithaque posa sa main vigoureuse sur les draps froissés afin de sentir si le beau Télémaque était parti depuis longtemps. Le lit était tiède signe que son cher fils était parti depuis peu. C’est alors qu’une brise légère caressa sa peau rendue rugueuse par le sel de la mer et les combats contre maint ennemis. Le héros aimé d’Athéna se retourna et s’aperçut que les lourds volets de bois de la fenêtre étaient entre-ouverts. Ulysse s’approcha de l’ouverture, et alors qu’il finissait d’ouvrir les volets, une grosse voix divine et caverneuse retentit. Comme le vent qui siffle dans les rochers durant la tempête, ainsi la voix se fit entendre :

« Ô fils de Laerte, Ulysse, roi d’Ithaque, toi le soi-disant homme aux milles tours, tu es bien puni en ce triste matin. Ah, ah, ah, je ris maintenant, moi qui ai tant pleuré ! J’ai enlevé ton fils, la chair de ta chair, le sang de ton sang. Je l’ai emmené dans un endroit sûr, sous les eaux salées et écumeuses de la mer et je te défie de venir le chercher dans mon royaume. Mais, si tu es trop lâche pour venir m’affronter, alors je lui crèverai les deux yeux, comme toi, jadis, tu crevas l’œil unique de mon cher Polyphème, à l’aide d’un pieu acéré et durci sous les cendres fumantes.
-   Je n’ai pas peur de toi, Poséidon, fils de Cronos, dis-moi par où passer, et sois sûr que je viendrai et que je te vaincrai.
-   C’est entre Charybde et Scylla que se trouve l’entrée de mon royaume »

Et, dans un bruit de tempête, dans un rire moqueur et sonore, déclenchant une violente rafale de vent, Poséidon fit taire sa voix : le temps qu’une châtaigne tombe de sa bogue épineuse et s’écrase sur le sol, Ulysse aperçut son fils enchaîné et, sur son visage, une souffrance insurmontable, mais de peur, aucune trace.

C’est à cet instant précis que la fidèle Pénélope entra dans la vaste chambre de son cher enfant. Son regard se porta dans un premier temps sur le visage triste et blanc de son tendre époux. Aussitôt elle y lut une peine profonde en même temps qu’une rage immense. Le cœur plein d’angoisse elle posa son regard sur le lit vide. Elle comprit et poussa une longue plainte, douloureuse et chargée de sanglots. Puis, elle tomba inanimée sur le marbre froid du sol.

Ulysse se tourna vers le ciel et adressa une prière à la divine Athéna : « Ô Athéna, si tu savais, tout le mal, que l’on me fait, ô Athéna si je pouvais, dans tes bras nus me retrouver. J’ai besoin de ton soutien, toi qui jadis m’as tant aidé. Toi qui m’as défendu aux conseils des dieux, toi qui m’es apparu au cœur de la tempête, lorsque les lames en furie déchiquetaient mon radeau et que le sel rongeait ma peau, toi qui me menas indemne jusqu’au rivages des gentils Phéaciens, toi qui apparus en rêve à Nausicaa pour lui donner du courage et la mener jusqu’à moi, toi qui enfin facilitas mon retour et armas mon bras pour me venger des prétendants. »

- « Mets la paix dans ton cœur, Ulysse, je t’aiderai. Prends ton glaive à la pointe saillante et rassemble autour de toi tes compagnons les plus fidèles et les plus vaillants. Puis prépare ton navire à la proue azurée. Je ferai souffler une brise constante qui te mènera vers l’entrée du royaume de Poséidon. Mais, pour l’instant, console ta femme et confie-la à ta fidèle Euryclée. »

Ainsi parla la sage Athéna, fille de Zeus, qui sortit de la tête de son père après qu’Héphaïstos lui eut asséné un coup de son marteau pour le guérir de son mal de crâne.

Le fils de Laerte rassembla ses compagnons les plus fidèles. Il y avait là Eumée, son porcher, mais aussi Périklos le blond, coiffé de son casque de guerre, au courage immense, Rhétibathos, un géant roux aux poings puissants, capable d’assommer un éléphant d’un seul coup, Thébiclos petit par la taille mais grand par la force. Ils rassemblèrent leurs armes, glaives à la pointe acérée, lances pointues, arcs puissants et boucliers en airain. Ils remplirent le navire de provisions : saucissons et pâtés, viande séchée, fruits et légumes, eau et vin en quantité. Le navire lui-même était magnifique. Son mât, taillé dans le tronc d’un pin antique qui avait poussé jadis dans la forêt sacrée d’Artémis jouxtant le palais, touchait au ciel. Sa voile avait été tissée dans le coton le plus doux par toutes les femmes d’Ithaque.

Profitant de la marée et d’une brise légère, tandis qu’Apollon Phoebus avait conduit le char du soleil à la moitié de sa course, les compagnons forcèrent sur la rame et le navire fendit doucement les flots en quittant la rive tant aimée d’Ulysse.

Celui-ci éprouva un sentiment de tristesse immense en voyant s’éloigner Ithaque la brillante.

Sept jours et sept nuits s’écoulèrent avant qu’Ulysse pût apercevoir les silhouettes inquiétantes de Charybde et Scylla. En passant au large de la Sicile, les pays des Cyclopes, son cœur se noircit de haine, et brandissant son poing, il maudit Poséidon. Au matin du huitième jour, son navire était tout près des gueules béantes et garnies de dents des deux monstres. C’est Alors qu’Athéna apparut et dit : « Prends ces voiles magiques et enveloppe-toi dedans ainsi que tous tes compagnons. Abandonnez le navire et jetez-vous à l’eau. Je vous guiderai vers le royaume de Poséidon. »

Ulysse ordonna alors à ses compagnons de s’envelopper dans les voiles magiques suivant en cela le conseil d’Athéna. Thébiclos refusa et monta le long du mât. C’est alors que Poséidon envoya une gigantesque vague qui fracassa le navire et emporta le pauvre Thébiclos vers Charybde. Le monstre s’en saisit avec l’une de ses immenses pinces et le porta à sa gueule béante et garnie de dents pointues. Tel un chien mordant dans une pêche de vigne trop mûre : tout autour de sa gueule le jus écarlate s’écoule et tombe sur le sol fertile, ainsi le sang du compagnon s’échappant en même temps que des morceaux de cervelle tomba dans l’eau tandis que le monstre détachait la tête du corps gesticulant. Pleins de dégoût et de terreur, l’homme au mille ruses et ses marins détournèrent le regard et plongèrent dans l’eau pour éviter de partager le sort funeste du malheureux. Grâce aux voiles ils pouvaient respirer et voir sans aucune gêne. Tout autour d’eux gisaient les squelettes des marins morts ainsi que les débris déchiquetés de leurs navires. Comme une feuille de platane qui au printemps, détachée par une douce brise de la branche qu’elle ornait peu de temps auparavant, se balance de droite à gauche avant de toucher le sol, ainsi un bras tomba vers le fond de la mer, tout près d’eux. Ils reconnurent à une large cicatrice acquise aux cours d’un combat, le membre de leur ami Thébiclos, qui n’avait pas voulu écouter le sage conseil de la douce Athéna. Suivant la chute macabre de ce bras, ils aperçurent soudain au fond de la mer l’entrée d’une sombre grotte. Ulysse fit un geste et tous se dirigèrent vers cette ouverture. Ils y arrivèrent assez rapidement. Mais là une surprise les attendait. Sur le seuil de la grotte se tenait une créature monstrueuse : elle avait trois bras en guise de jambes et trois jambes en guise de bras. Chacun de ces membres était rattaché à un torse écailleux surmonté par une tête hideuse. Un œil unique rouge flamboyant et des lèvres bleues repoussantes entouraient un groin violacé d’où sortaient deux crochets injectés de venin. Leur voile leur permettait de respirer sous l’eau et les rendait invisibles. Aussi, le monstre dans un premier temps ne les vit pas. Ulysse et ses compagnons nagèrent lentement vers l’entrée de l’antre du maître de la Mer, pour se faufiler entre le monstre et la paroi. Il y avait parmi eux Petibathos, un marin connu pour sa curiosité et sa maladresse. Il fermait la marche. Alors que tous étaient passés, il ne put résister à l’envie de s’approcher et de blesser cette créature repoussante. Mais sitôt que la pointe saillante du glaive de Petibathos toucha les écailles rugueuses, une des trois mains velues et puissantes attrapa la tête du pauvre marin et d’une autre main tira son corps. Comme le boucher qui arrache la tête d’une poule : le cou de la bête s’étire, puis la peau et la chair cédant, il se brise dans un craquement sordide tandis qu’apparaît le sang et la trachée, tube blanc palpitant. Ainsi mourut le trop curieux Petibathos. Cependant, dans un dernier sursaut, il enfonça d’un coup sec son glaive dans le cœur noir du monstre qui hurla tandis que son sang formait comme un nuage dans l’eau devenue noire. Ainsi, le sacrifice bien involontaire du pauvre marin n’avait pas été vain : le monstre mort, le chemin du retour serait plus aisé. Durant le court instant du combat, les compagnons restèrent bouche bée, assistant sans pouvoir rien faire à l’horrible agonie de Petibathos. Ils ne purent que l’envelopper de son voile magique dans un recoin de la grotte. Ils se remirent ensuite en route, l’âme en peine et le ventre noué par la peur. Bientôt ils arrivèrent devant une sorte de paroi quiaurait été faite à la fois d’eau et d’air. Le prudent Ulysse, avant de s’engager, lança une pierre ramassée auparavant qui passa sans difficulté à travers elle. Tous alors, confiants, s’engagèrent vers la paroi. Cependant, au lieu de passer à travers elle, celle-ci reculait devant eux, et quand le dernier marin se fut engagé, la bulle se referma derrière lui, emprisonnant tout le monde. A une vitesse incroyable, la bulle ainsi formée s’envola pour arriver jusqu’au pied du trône de Poséidon. De son trident, le dieu toucha la bulle qui éclata. Leur voile tomba et ils se retrouvèrent nus face au maître de tous les océans qui se moqua d’eux en ces termes : « Pauvres gueux, et toi, Ulysse, plus gueux que tous les gueux, crois-tu que tu mérites vraiment ton titre de roi ? Par ta faute déjà, deux de tes hommes sont morts. Combien mourront après eux ? »
-  « Jusqu’où ira ta cruauté, Poséidon. Tu peux bien jouer de ta force et de ta puissance physique, mais en est-il autant de ton intelligence ? J’en doute fortement, à voir les minables obstacles que tu as mis sur ma route. Je te propose un marché : soit tu réponds correctement à une de mes énigme, et alors tu peux prendre ma vie, celle de mon fils et de mes compagnons, soit tu ne peux pas répondre, et alors tu nous ramènes tous, Télémaque, mes marins et moi, en Ithaque et tu me promets de ne plus me nuire désormais, ni à ma descendance. » Poséidon éclata d’un rire sonore qui fit trembler les parois de la grotte, et provoqua à la surface des eaux de gigantesques vagues : « Pose-moi ta question, pauvre mortel »
-   « J’attends d’abord ta promesse »
-   « Tu l’as ! »
-   « Ecoute : Dès que tu prononces mon nom, tu me tues. Qui suis-je ? »

Poséidon se mit à réfléchir. Son cerveau bouillonnait : à la surface des flots, le vent se déchaîna, la terre se mit à trembler. Le silence était rompu. Pris alors dans le piège de l’homme aux mille tours, Poséidon, de rage, brandit son trident aux pointes acérées et voulut le lancer sur Ulysse. Mais alors le dieu ressentit à l’épaule une douleur atroce qui lui fit lâcher son arme. Elle tomba aux pieds du roi d’Ithaque, chéri d’Athéna : la promesse du dieu se rappelait à lui ; on ne promets pas impunément. Alors, vaincu, le dieu s’adressa à l’époux de la douce et divine Pénélope :
-   « Tu as gagné, Ulysse. Voici ton fils. »

C’est alors qu’apparut le jeune garçon, qui, sitôt qu’il vit son père, se précipita dans ses bras.

-   « Ulysse, veux-tu bien me donner la réponse ? »
-   « Je ne le ferai pas, Poséidon et te la laisserai chercher toi même jusqu’à la fin des temps. Ce sera là ton châtiment pour avoir fait pleurer ma douce Pénélope. »
-   « tu es cruel, Ulysse, va, je ne veux plus avoir à faire à toi. »

Ulysse et ses compagnons furent aussitôt entourés d’une multitude de bulles, puis d’un énorme nuage de fumée. Quand il se dissipa, ils se retrouvèrent tous sur une plage d’Ithaque. Aussitôt, ils se hâtèrent vers le palais ; Pénélope serra son fils chéri dans ses bras. Un grand banquet fut donné en l’honneur du retour de Télémaque. Ulysse, l’aimé d’Athéna, y raconta ses dernières aventures...

Crédits photographiques

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-  www.windows.ucar.edu